Lettre au DASEN, AESH, responsabilité
A Bobigny le 14 décembre 2021
César Landron
Secrétaire départemental
Pascal Croizer
Membre du bureau, responsable AESH
Snudi FO 93
A Monsieur le Directeur Académique de Seine-Saint-Denis
Copie aux IEN de Seine-Saint-Denis
Copie aux ERSEH de Seine-Saint-Denis
Copie aux personnels de l’Education Nationale de Seine-Saint-Denis
Objet : Colère des AESH, refus de recevoir les AESH en grève et l’intersyndicale départementale le 9 décembre.
Monsieur le Directeur Académique,
Par la présente, nous nous permettons de vous écrire cette lettre concernant votre refus de recevoir une délégation de la centaine d’AESH en grève le 9 décembre avec leurs syndicats.
Les collègues AESH et leurs représentants ont été choqués par ce refus. Peut-être déciderez-vous d’accorder une audience prochainement, peut-être pas. Malgré tout, nous pouvons acter que c’est la première fois qu’une grève départementale appuyée par une intersyndicale départementale se retrouve « porte close » devant la DSDEN. Vous n’êtes pas sans savoir que les AESH, dans tout le pays, s’organisent pour obtenir « un vrai statut, un vrai salaire, l’abandon des PIAL ». De plus en plus nombreuses à rejoindre les syndicats de l’Education Nationale, elles prennent en main leur mobilisation et revendication.
Nous savons qu’en tant que DASEN, vous n’avez pas les moyens de satisfaire ces revendications. Là n’est pas le sujet. Des milliers d’AESH sont allées en manifestation au ministère et ont crié ces revendications nationales légitimes.
Vous le savez, ces collègues, essentielles dans nos établissements, n’ont qu’un salaire de 800 euros en moyenne. Elles se sont mises en grève le 9 décembre pour pouvoir être entendues, par vous, leur employeur. La réforme des PIAL, véritable machine à mutualiser et à « broyer » ces collègues, a des conséquences terribles pour beaucoup d’entre elles et les élèves qu’elles accompagnent. Elles voulaient vous voir pour être rassurées, pour obtenir des garanties… En vain, vous n’avez pas souhaité les entendre…
On demande à de nombreuses AESH de prendre en charge de plus en plus d’élèves, à se déplacer d’une école à l’autre, d’une école à un collège… Depuis peu, on les convoque le soir, le mercredi, à des réunions, parce qu’elles ont des heures annualisées… C’est tout nouveau, c’est dans le nouvel avenant qu’elles ont été obligées de signer. Connaissez-vous les conséquences de toutes ces mesures si vous ne prenez pas des décisions fermes auprès des différents acteurs de l’éducation nationale (IEN, chefs d’établissements, ERSEH, responsables des PIAL…) ? Etes-vous prêt, en tant qu’employeur, à assumer ces conséquences ?
Quelques exemples :
– On demande aux AESH qui prenaient en charge un ou deux enfants de les abandonner pour en prendre d’autres et encore d’autres… Résultat : Un élève avec un handicap important n’a plus son AESH que quelques heures… Du saupoudrage ! Et l’AESH, inquiète, doit abandonner cette élève des heures entières, des journées entières… C’est inouï ce qu’il se passe Monsieur le Directeur Académique. On fait des économies sur le dos de ces élèves, autistes, trisomiques, handicapés moteurs… Certains avaient 18 heures une AESH, ils ne l’ont plus que quelques heures, une heure par ci, une heure par là. D’autres voient défiler plusieurs AESH dans la semaine, sans les connaître. Cette situation est scandaleuse ! Scandaleuse pour ces élèves, pour leur parents, leurs enseignants, mais également pour les AESH qui courent partout et doivent abandonner leurs élèves auxquelles elles sont attachées, qu’elles connaissent depuis des années parfois ! Impensable !
– De nombreuses AESH font les services de cantine le midi, l’étude ou la garderie. Avec les changements d’écoles, comment peuvent-elles assumer ces compléments de revenus, vitaux pour pouvoir vivre, si elles sont contraintes de se déplacer d’une école à l’autre ? Vous le savez, dans de nombreuses situations, ce sera impossible. Avoir refusé de les recevoir, c’est, pour elles, l’acceptation par leur employeur qu’elles aient une perte financière importante qui les conduira à ne plus pouvoir se loger, faire manger leurs enfants… Vous comprenez que d’avoir refusé de les faire rentrer est violent pour chacune d’entre elles.
– Depuis quelques jours, vous leur demandez de faire leurs deux heures annualisées, ce qui est nouveau… Nous pensons qu’il pourrait y avoir réflexion de la part de l’ensemble des acteurs des PIAL… On leur annonce une revalorisation salariale de quelques euros, dont tout le monde peut se rendre compte du ridicule… Et on leur demande de faire deux heures en plus ? On impose à des agents de l’éducation nationale de faire du temps de travail supplémentaire pour 800 euros par mois ? Mais où est la déontologie ? Où est le bon sens ? Y-a-t-il encore un peu d’humanité dans ce service public qu’est l’éducation nationale ? Mais, pire, ces deux heures en plus les obligent à trouver des moyens de garde pour leurs propres enfants, d’arrêter les études ou garderies le soir, les centres de loisirs le mercredi… Encore une fois, au nom de la flexibilité et de la précarité encore plus grande décidée par le ministre, elles perdent des revenus énormes pour leur vie et celles de leurs enfants.
Vous avez la possibilité de trouver les solutions qui permettent de faire arrêter tout cela. Vous en avez le pouvoir.
C’est principalement pour ces raisons que 111 AESH réunies en Réunion d’information syndicale le 23 novembre ont décidé la grève et que nous vous avons demandé audience. Il est encore possible de recevoir rapidement une délégation, de leur apporter tout votre soutien dans ces moments difficiles, de leur apporter des garanties leur permettant de vivre.
Vous êtes un haut fonctionnaire de l’Etat, vous êtes l’employeur de plusieurs milliers d’AESH dans le département. Vous avez une responsabilité. Leur répondrez-vous positivement et étudierez-vous toutes les possibilités ou laisserez-vous votre porte fermée et renverrez-vous ces collègues, aux qualités professionnelles incontestables, aux restaurants du cœur et à la soupe populaire ? Le ministre a la responsabilité de laisser 135 000 collègues dans la précarité, aux revenus qui restent sous le seuil de pauvreté, vous avez la responsabilité d’adapter la mise en place d’une réforme en tenant compte des conséquences pour les agents sous votre responsabilité, ainsi que celles des élèves porteurs de handicaps.
Ces collègues ont été malmenées lorsqu’elles ont reçu ce mail les contraignant à signer l’avenant au contrat afin de mettre en place les PIAL et les heures annualisées. Vous avez essayé de les faire signer de force, sans qu’elles puissent avoir la réflexion comme les textes le prévoient. Le mail de convocation était fort irrespectueux, avec des ordres, écrits en gras et en rouge. Nous avons exprimé notre colère face à un tel manque de respect. Nous ne pensons pas que vous auriez apprécié de recevoir ce type de courriel par vos supérieurs. C’était en novembre. Depuis, vous avez reconnu la « maladresse » et les « erreurs »… Le refus de recevoir ces collègues le 9 décembre « remet de l’huile sur le feu ».
Les AESH en ont « marre de la maltraitance, en ont marre de recevoir des ordres et des contre-ordres, en ont marre d’être les « variables d’ajustement » de l’inclusion scolaire, en ont marre d’avoir un salaire si bas alors qu’elles ont un vrai métier » comme elles l’ont crié lors du rassemblement.
Mépriser les AESH, c’est mépriser l’ensemble des enseignants, concernés au quotidien par les inclusions, c’est mépriser l’ensemble des élèves porteurs de handicaps, c’est mépriser les parents concernés et qui n’ont plus que l’école pour faire face. L’hôpital n’étant plus que l’ombre de lui-même dans le département, les établissements et instituts également, par manque de place… Monsieur le Ministre est méprisant, il se cache derrière des discours moralisateurs sur le handicap et l’inclusion. Vous, Monsieur le Directeur Académique, rappelez-vous, il y a un peu plus d’un an en audience, avez exprimé votre sensibilité vis-à-vis de ces personnels et des élèves concernés. Vous avez la possibilité, de par votre fonction, de ne pas laisser faire et de prendre les mesures qui s’imposent, maintenant… Avant qu’il ne soit trop tard… (combien de démission d’AESH depuis le mois de juin ? Combien de milliers d’AESH vous manque-t-il dans le département ?).
Avant de se souhaiter de joyeuses fêtes tous et toutes, bien méritées au vu de la dégradation de nos conditions de travail, nous comptons sur votre engagement, votre humanisme, pour rassurer tout le monde et donc, nous recevoir sans tarder.
Veuillez recevoir, Monsieur le Directeur Académique, nos salutations respectueuses,
Par délégation des AESH en grève et en rassemblement le 9 décembre,
Pascal Croizer, César Landron, Snudi FO 93